La naissance d'un roman historique : les personnages
Par membre-admin | Le 26/03/2018 | Commentaires (0) | La naissance d'un roman historique : le Malleus - les sorcières de Sarry
Les personnages
Je pensais les avoir bien en tête. Je songeai d’abord à une gentille femme, paysanne, avec peu de culture, mais très curieuse. Puis un vilain comte tomberait amoureux d’elle. L’héroïne ne répondant pas à ses avances, il se venge et la fait juger.
Bouh ! Trop classique, déjà vu, au revoir !! Le premier piège à éviter est d’avoir un personnage principal qui cadre avec la plupart des clichés auxquels s’attend le lecteur.
Et si le méchant était un prêtre ?
Non, ça ressemble trop au « Bossu de Notre-Dame ». Mais je ne quitte pas pour autant cette idée…
Il faudrait également un protecteur ou un ami : le trio infernal ! Ça risque encore d’être très « téléphoné ».
Parallèlement, je continue mes recherches : les rois du XVe siècle, les guerres… Tiens, Jeanne d’Arc… je le note.
Il me faut également un lieu.
Saviez-vous que le purgatoire a été inventé en 1459 ? J’effectue des recherches sur les gargouilles, car il m’avait semblé qu’elles étaient sculptées pour faire peur aux paroissiens et ainsi acheter des indulgences. Je constate que les premières gargouilles datent du début du XIIIe siècle, et furent logées sur la cathédrale de Laon en 1220.
Aïe, ça ne colle pas avec mon histoire. Ce n’est pas grave, je garde tout de même l’information précieusement.
Je découvre sur les illustrations de Violet le Duc, dont j’ai l’encyclopédie à la maison, que notre Dame de l’Epine en possède de singulières et de magnifiques. Je connais bien ces sculptures extérieures pour les avoir longuement observées. C’est ainsi que j’appris que certaines sculptures, « olé olé », furent façonnées par certains ouvriers en réponse à l’évêque de l’époque, très dur avec les gens du chantier. Étant également malvoyant il semblerait qu’il ne se soit rendu compte de rien. Anecdote à vérifier…
Toujours est-il que je venais de trouver le lieu parfait pour mon histoire, l’édifice ayant été construit de 1405 à 1527. Et puis, Notre Dame de l’Épine a inspiré Victor Hugo, Alexandre Dumas, Joris-Karl Huysmans, Paul Claudel et Paul Fort ! C’est un signe non ?
En poursuivant mes recherches, je découvre qu’à Sarry, non loin de l’Épine, se trouvait le Château des Évêques de Châlons. Ce château fut également le centre administratif de la France durant une centaine de jours en 1445, le roi y séjourna. Je note cette information sur ma ligne du temps.
Geoffroy Soreau de Saint Géran, évêque et comte de Chalons y vécu durant la période qui nous intéresse. Il se trouve également qu’il était l’oncle ou le neveu d’une certaine Agnès Sorel, première maîtresse royale légitime de l’Histoire.
Je tiens quelque chose… Peut-être le méchant de mon roman…
Mais je découvre qu’en fait, Soreau était un grand évêque, bon et généreux.
Zut Flûte !
Je me retrouve donc avec les personnages suivants
- Elle, l’héroïne qui sera vraisemblablement jugée pour sorcellerie
- Un ami ou pygmalion, qui pourrait être l’évêque Soreau ou un personnage moins important comme un petit moine scribouillard à son service
- Et j’ajoute le père de l’héroïne qui sera tailleur de pierre sur la construction de Notre Dame de l’Épine.
Et le méchant dans l’histoire ?
Continuons sur les personnages
Je suis toujours à la recherche du méchant. Mes recherches documentaires ne menant à rien, je décide que ce sera un personnage fictif. Je le souhaite surprenant. Je cherche, je cherche encore.
En attendant, je construis l’histoire personnelle de chaque personnage ce qui me servira pour leurs traits de caractère. Tout ce que je sais ne doit pas paraître au public, il faut que je garde une partie de mystère, mais en restant crédible. Car nous savons que c’est aussi le lecteur qui fabrique l’histoire, il ne faut pas lui mâcher tout tout cru. Un roman doit susciter son imagination.
Pour établir les fiches de mes personnages, il faut que je continue mes recherches sur l’évêque, sur le chantier de l’Epine, sur la vie des tailleurs de pierre de l’époque ce qui me donnera des indications sur le quotidien de mon héroïne.
Ce que je sais :
Geoffroy de Saint Géran
Dit Soreau, fut évêque et comte de Châlons de 1453 à 1503. En 1482, tout en restant évêque de Châlons, il devint abbé de Saint-Germain-des-Prés. Ce changement d’abbé fut avantageux au monastère, car ce prélat, qui avait de l’honneur et de la vertu, tâcha de réparer les fautes de son prédécesseur et d’être utile à ses religieux. Il fut le dernier abbé régulier de Saint Germain. Il fut présent aux sacres de Louis XI en 1461, de Charles VIII en 1484 et de Louis XII en 1498. En février 1487 (1488), il assista à la chambre suprême de justice contre le duc d’Orléans.
Même s’il reste un soupçon qu’Agnès Saurel eut sa part influente auprès du roi au bénéfice de son oncle (ou cousin selon d’autres historiens). Il semblerait que l’on ait beaucoup exagéré son influence sur le roi Charles VII. Elle mourut le 9 février 1450 ce qui n’empêcha pas cet homme d’avoir une belle carrière exemplaire.
Tailleurs de pierre et maçons
Dans leur grande majorité, les tailleurs de pierre sont des hommes libres et sans attaches, recrutés selon leurs capacités par le maître d’œuvre ou le maître maçon qui dirige le chantier. Ils tendent à former une aristocratie du bâtiment à la fin du Moyen Âge et entrent parfois en conflit avec les maçons qui, selon eux, posent la pierre, d’où leurs noms de coucheurs ou d’asseyeurs, du mot assise qui signifie lit de pierres. Au début du XVe siècle, il n’est pas rare que ceux qui taillent la pierre soient davantage payés que ceux qui la posent, les maçons. Deux formes de rétribution sont attestées pour ce corps de métier : soit une somme forfaitaire pour un travail dit à la tâche ou bien un salaire dit à la journée ou à la semaine. (passerelles.bnf.fr)
Grâce à mes recherches, j’ai élaboré le profil du père de notre héroïne.
Ce tailleur de pierre reste seul avec sa fille. Il est seul à l’élever au milieu du chantier. Il la laisse aux bons soins de l’évêque.
On le paie à la journée et ne travaille pas le dimanche ni la trentaine de jours fériés non payés. Le travail s’arrêtait souvent le samedi après-midi. Il touche près de 48 sous par mois et est logé gracieusement par l’évêque dans une petite pièce du château, avec les employés de maison. Sa fille y était à demeure, lui seulement le dimanche. À cela s’ajoutaient souvent des avantages comme des rations supplémentaires de vin, de nourriture et même de bois de chauffage, car il dormait en semaine sur le chantier avec les autres ouvriers de notre Dame de l’Épine.
Notre tailleur de pierres possédait son outillage propre il y prenait grand soin, car il s’agissait d’un véritable capital, non pas tant du fait de son coût, mais parce qu’il représentait le moyen de gagner sa vie.
Très habile dans son métier, il enseignerait à sa fille toute l’histoire de la construction de la basilique. Il lui assure une vie sereine.
Le méchant
Je l’avais en tête depuis le début bien sûr… On parle tout de même de l’inquisition !
Lorsque l’on créer un personnage, plusieurs choses sont à prévoir
Pour les personnages les plus importants, il est nécessaire d’inventer son passé, ce qu’il était et faisait avant que l’intrigue ne débute. Cela permet de justifier ses traits de caractère et de commencer à entrevoir ses objectifs à venir. Aussi, ne dévoilez pas tout au lecteur, mais il est important que vous connaissiez par cœur votre personnage. Il devra faire face à deux grands objectifs distincts : la zone de conflit interne qui correspond aux préoccupations personnelles du personnage, ce qui le touche lui personnellement, et la zone de conflit externe correspond aux problèmes à plus grande échelle, dont le personnage devra se confronter d’une manière ou d’une autre. À noter que ces deux objectifs peuvent être liés.
Le physique également est important surtout si l’on veut créer un personnage impactant. Dans ce cas, il bien de lui donner un signe physique (cicatrices, vêtements originaux, etc.). Cela marquera davantage le lecteur qui pourra faire jouer son imagination, surtout si ce trait physique est relié à l’histoire du personnage.
Sur votre fiche (une fiche par personnage), décrivez ses dimensions. Il ne s’agit pas de connaître sa corpulence, mais d’établir ce qui donne l’essence même au personnage.
Les dimensions sont au nombre de trois :
Première dimension : Il s’agit de la façon dont le personnage se montre aux autres. (ex. Jack Sparrow se présente comme un capitaine prestigieux alors qu’il ne possède même plus de navire.)
Deuxième dimension : Il s’agit de la vision que le personnage a de lui-même. (ex. Jack Sparrow sait au fond de lui qu’il est un lâche, que toutes les légendes qu’il fait courir à son sujet sont erronées.)
La troisième dimension : Il s’agit de ce que le personnage est vraiment sans en avoir conscience. Il le découvrira au cours de l’histoire. (ex. Jack Sparrow se révèle finalement être quelqu’un de courageux qui viendra en aide à ses amis.)
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