Un peu d'histoire
Pour bien comprendre la naissance du Marteau des sorcières
Le Marteau des Sorcières, Malleus Maleficarum, a été le bréviaire des chasseurs de sorcières pendant deux siècles à travers toute l'Europe. Publié à Strasbourg en 1486, il connut de nombreuses rééditions. Et grâce à l’invention de l’imprimerie, il connut un essor considérable.
Le 5 décembre 1484, le pape Innocent VIII fait paraître une bulle, Summis desiderantes affectibus, à savoir une lettre pontificale faisant acte d'autorité, mettant en garde contre la sorcellerie. Ce document apporte de la légitimité à Institoris, l’auteur de ce livre.
Les femmes et la médecine
Pour comprendre la naissance du Marteau des Sorcières, il faut remonter plus haut dans le moyen-âge. Ainsi on peut voir le renforcement de la haine des femmes par l’église qui n’a jamais oublié le péché originel de Eve.
En 1208, Innocent III parle d'un groupe d'étudiants en l'appelant « l'Université » et c’est en 1213, que furent fondées à Paris trois facultés embryonnaires : celle de Théologie, celle de Décret (de Droit), et celle des Arts qui comprenait la médecine. Ce n'est qu'en 1253 que Robert de Sorbon (1201-1274), chapelain de saint Louis, fonda le Collège qu'on appela la «Sorbonne».
Il n'y avait à Paris en 1272 que six médecins diplômés par la Faculté. En 1274, il y en a huit. La vraie science restait libre, et les plus illustres savants ne passèrent jamais par l'Université. La Faculté n'était pas un corps savant, mais une corporation professionnelle, fondée plutôt pour défendre des intérêts matériels, et c'est ce qu'elle est toujours restée.
Aussi elle craignait surtout la concurrence. La médecine continuait d'être exercée par des « médeciennes » et leurs élèves et par les médecins libres. La Faculté n'avait alors aucune autorité ni aucun prestige. Du reste, le public n'avait aucune confiance dans la médecine des hommes.
Vous comprendrez alors le premier usage que les hommes firent de ce nouveau droit qu'ils se donnaient d'enseigner la médecine : interdire aux femmes l'exercice d'une profession qui avait été spécialement réservée à leur sexe jusque là. Ils veulent faire de la médecine un privilège et partent en guerre contre tous ceux qui s'occupent à un titre quelconque de la santé du corps.
La Faculté entendant bien rester maîtresse de la médecine, ils firent donc de la médecine ce que le prêtre avait fait dans la religion, ils en chassent celles qui en sont les légitimes représentantes et prennent violemment leur place. D’ailleurs, la papauté encouragea la fondation des Universités, ce qui prouve bien qu'ils agissaient dans le même esprit. Les Facultés devaient avoir comme premier règlement : L'interdiction des femmes d'étudier la médecine et la défense faite aux hommes qui enseignaient de se marier.
Puis on s’attaqua à la population en 1281 par la voix du doyen de la Faculté, Jean de Cherolles, qui déclara que les herbiers et autres guérisseurs libres « font grand tort aux habitants de Paris, ils déshonorent la médecine et les médecins ». Ce qui n'empêchera pas la population les préférer aux médecins de l'École.
En cette période, dès qu'il avait un fin filet de culture, il devait s'éloigner de la Femme, la craindre. Dès lors, une lutte acharnée fut entreprise par les médecins contre la médecine des femmes. De toutes les façons, ils cherchèrent à la discréditer, à ce point que le beau nom de Saga qu'elles avalent portées jusque là disparut : les sages-femmes, les femmes médecins laissèrent leur place à des guérisseuses hors la loi, pour plus tard, être soupçonnées de sorcellerie.
En parallèle, la peur de l’envoûtement dominait les rois, les papes, et les grands qui avaient tous des crimes sur leur conscience. Tous ceux qui avaient la conscience troublée par les crimes commis étaient hantés par l'idée que leurs victimes cherchaient à attenter à leur vie.
Et pendant que la morale chrétienne était devenue un absurde enchevêtrement de folies, deux grands événements vinrent bouleverser le XVe siècle : l'invention de l'imprimerie et la découverte de l'Amérique.
L'Église alors inquiète, redoubla de violence et fit tous ses efforts pour étouffer ce germe d'émancipation de l'Esprit dans lequel elle voyait un suprême danger. On croyait à la science du diable et c’est en 1459 que l'Église inventa le Purgatoire.
Ainsi, nous voyons une bulle du pape Innocent VIII, un des plus débauchés des papes qui se faisant moraliste comme tous ses pareils, trouvait que le zèle des inquisiteurs se ralentissait. Pour le rallumer, il publia une bulle dite "Summis desiderantes affectibus", datée du 9 décembre 1484.
Heinrich Kramer - Institoris
C’est cette bulle qui permit, malgré elle, à l’inquisiteur Heinrich Kramer, de publier son fameux « Marteau des sorcières » le Malleus Maleficarum.
Fort de ce soutien, il prit ses fonctions d’inquisiteur très à cœur. Il opéra dans le diocèse de Constance en 1485 et dans la petite ville de Ravensburg où il fit brûler 48 sorcières, accusées de s'être livrées à des démons incubes. Mais on se plaignit hautement que « beaucoup de personnes eussent été emprisonnées, torturées et traitées de manière outrageuse ». L'évêque jugea prudent d'inviter l'inquisiteur à se retirer dans son couvent.
Le moine, croyant que son insuccès venait de ce que le système manquait de base juridique, voulut le codifier et commença son livre de vengeance en 1486. Pour réaliser cette pensée, Heinrich Kramer appelé ensuite Institoris rédigea le Malleus Maleficarum, livre inepte que l’on pourrait comparer à un rituel des sacrifices humains. C'était de la folie et de la sauvagerie codifiée. Il parut en 1487 et devint le guide officiel de la procédure contre la sorcellerie.
Que renferme le Malleus Maleficarum ?
Le Malleus Maleficarum (Marteau des Sorcières - Le marteau des sorcières, c'est le maillet du rituel maçonnique, on l'appelle la « Tabula ».), du moine inquisiteur Heinich Kramer, appelé Institoris, est divisé en trois parties :
Dans la première partie, on s'applique à démontrer que la sorcellerie n'est pas une superstition, mais un fait réel. C’est de ce livre que nous vient l’image de la sorcière volant sur un manche à balai. C’est vous dire qu’à l’époque, on vous faisait avaler n’importe quoi.
La deuxième partie du Marteau des Sorcières comprend deux questions :
À qui le magicien peut-il nuire ? Comment la sorcellerie peut-elle être combattue et ses effets détruits ?
La procédure à suivre contre les sorcières : un véritable Code pénal
Dans sa troisième partie, ce livre infect donne les remèdes à opposer à tous les genres de maléfices et de sorcellerie, la procédure à suivre contre les sorcières : c'est le Code pénal des délits de pensée.
Dans cette troisième partie, le Malleus pose 35 « questions » parmi lesquelles :
- De la façon d'introduire l'affaire.
- Du nombre des témoins.
- Le juge peut-il contraindre les témoins à prêter serment de dire la vérité ?
- De la qualité des témoins.
- Doit-on admettre à témoigner les ennemis reconnus de l'accusé ?
- Le procès étant affaire de foi, on devra l'instruire sommairement et simplement ; en conséquence, toutes exceptions, demandes de renvoi et interjections d'appel devront être écartées. Le jugement, d'ailleurs, est définitif.
- Si l'inculpé nie tout, le juge, sans s'arrêter à la dénégation, doit baser son jugement sur la mauvaise réputation du sujet.
- Une personne simplement suspecte et qui nie doit-elle être arrêtée et emprisonnée.
- Après l'arrestation, le juge décide s'il y a lieu ou non d'autoriser une défense.
- Si l'inculpé demande à être défendu, le juge choisit lui-même l'avocat
- L'avocat, mis en communication avec l'inculpé, doit, d'abord, l'exhorter à patience, puis le faire parler.
- Cette question a pour objet de déterminer la conduite à tenir par le juge pour découvrir si, réellement, la dénonciation ou la déposition qui charge l'inculpé est ou non d'un ennemi.
- Aucune condamnation à mort ne pouvant être prononcée sans qu'il y ait eu aveu de l'accusé, quoique la preuve du crime résulte des autres éléments de conviction, il devra être recouru à la torture, au besoin, pour obtenir cet aveu.
- Une fois que le juge a prononcé qu'il y a lieu de procéder à la torture, l'inculpée est reconduit en prison, où ses parents et amis peuvent alors le visiter, pour la presser encore une fois d'avouer.
- Pour savoir si l'obstination de la sorcière, qui dans, les tourments, refuse d'avouer ses méfaits, est ou non le résultat d'un charme diabolique, le juge n'a qu'à bien examiner ses yeux. S'il n'y voit pas de larmes, c'est une preuve qu'elle est coupable.
- C'est un jour férié, dimanche ou fête chômée, qu'il convient de reprendre l'enquête.
- Les ordalies, comme jugement de Dieu, doivent être écartées.
- Le crime de sorcellerie n'étant pas seulement d'ordre ecclésiastique, il n'est pas défendu aux tribunaux séculiers de le juger et de le punir, mais le concours de l'Église est indispensable.
- Il y a quatre sortes de moyens de conviction : les moyens de droit, c'est-à-dire les dépositions de témoins et la torture ; l'évidence du fait ; l'interprétation juridique ; le violent soupçon. Ainsi, une simple suspicion, pourvu toutefois qu'elle soit suffisamment forte, autorise le juge à condamner un inculpé.
- Le jugement qui renvoie un accusé des fins de la plainte n'est jamais définitif.
- Cette question traite de la purgation canonique ou, en d'autres termes, de la manière dont une personne légèrement suspecte est tenue de se justifier.
- Notre code reconnaît ici que des personnes faibles peuvent, dans la torture, confesser des choses qui ne sont pas, tandis que d'autres plus fortes, ou avec le secours du Diable, ne confessent rien de ce qui est véritablement.
- Des moyens permis et de ceux qui ne le sont pas, pour se délivrer d'un charme.
Autant dire que si une femme était prise dans les filets de l’inquisition, elle n’avait aucun moyen d’en réchapper.